Visites médicales du permis de conduire

Quel est l’impact du vieillissement sur la conduite de véhicules ?

Permis et sécurité routièreOn dénombre 8 millions de conducteurs âgés en France et la voiture est leur mode de déplacement  privilégié  ( étude entd 2008). Conduire permet de maintenir l’autonomie mais l’âge avancé est perçu comme un facteur de risque important sur la route par la plupart des usagers : cette perception est-elle  fondée ? Le vieillissement a des répercussions sur la conduite mais il n’y a pas de consensus pour évaluer la performance de conduite.  Le congrès  » Les aînés et la sécurité routière : rester usager de la route en toute sécurité, c’est possible » organisé à Lyon en novembre 2013 par les Entretiens Jacques Cartier a donné la paroles à de nombreux experts nationaux et internationaux sur ces sujets. Le vrai défi va consister à maintenir les conducteurs âgés sur la route puisque conduire est synonyme d’autonomie et de vie sociale : il existe de nombreux dispositifs pour améliorer la sécurité routière des seniors et on ne cesse d’innover dans ce domaine…

Le vieillissement de la population est un phénomène mondial : actuellement 11% de  la population mondiale a plus de 60 ans, en 2050 ce sera 22 % soit 2 milliards.

On dénombre aujourd’hui 50 000 centenaires au Japon ( 127 millions d’habitants) tandis que la France en compte  5 000 .

L’âge n’est pas en soi un motif d’inaptitude.  Actuellement il n’existe aucune définition du conducteur âgé.

Un conducteur de véhicule est un véritable système de traitement de l’information.

La conduite automobile est une tâche complexe qui nécessite des capacités perceptives, motrices et cognitives. Au plan cognitif, le conducteur doit sélectionner, parmi les informations multiples en provenance de la situation routière, celles qui sont pertinentes pour la tâche routière, il doit ensuite répondre par des actions adaptées à cette situation.
Cette capacité à sélectionner les informations pertinentes a été étudiée.

Il faut souvent effectuer une double tâche : les recherches sur  les situations de double tâche réalisées en psychologie cognitive montrent que la capacité à réaliser deux tâches simultanément dépend des caractéristiques des tâches concernées et de la disponibilité des ressources attentionnelles.

Incidences du vieillissement sur la conduite

Au fil des années, peut survenir un déclin des capacités motrices, sensorielles et cognitives.

Déclin des capacités motrices
La limitation des amplitudes articulaires peut gêner la conduite d’un véhicule.

Les troubles cognitifs résultent d’une diminution des ressources attentionnelles et cognitives et peuvent se traduire par un ralentissement de vitesse de traitement   de l’information, une inhibition pour effectuer une action, des difficultés pour réaliser une double tâche , des  ralentissements , des troubles de planification, etc
Les temps de réaction sont affectés par l’âge : plus la situation est complexe plus les temps augmentent (erreurs de pédales, accélération inopinée, etc).

Le vieillissement altère également  vision
Le vieillissement de la fonction visuelle et la conduite de véhicules  a été abordé  lors de la réunion de la Société française d’ophtalmo ( Paris- 16 novembre 2013)
Une  baisse des performances visuelles est observée lorsque l’âge augmente, notamment une réduction du champ visuel périphérique de 20 à 30°. Les conducteurs âgés ont un mauvais balayage visuel mais on peut les entraîner à améliorer le balayage visuel, nécessaire lors des changements de voies sur la route.
Au-delà de 80 ans, personne ne devrait conduire la nuit.

Une personne atteinte de DMLA, Dégénérescence maculaire liée à l’âge,  évite généralement les situations à risque, elle adapte sa conduite : elle ne double pas, elle évite les rond-points.

Lorsqu’une personne présente une atteinte visuelle, il faut toujours se demander si cette atteinte est compensée.
Par exemple le CARA en Belgique,  réalise à la fois un examen statique et un examen dynamique pour le champ visuel. L’usager bénéficie d’un test au volant sur la route avec un examinateur qui observe les mouvements de ses  yeux, la stratégie visuelle ( tourner la tête, bouger les yeux peut compenser un défaut de champ visuel), sa position sur la route, etc

Les seniors ont généralement conscience de leurs éventuels problèmes visuel ou moteur et modifient leur activité de conduite en conséquence. Mais ils n’ont pas conscience de leur éventuel  déficit cognitif ce qui conduit à augmenter les accidents .

L’expérience de conduite est importante et permet de compenser les déficits dans de nombreux cas : les routines permettent de gérer la plupart des situations mais sont insuffisantes en cas de situations complexes. Traversée une chaussée et tourner à gauche constitue une situation complexe (  plus de 30 % des accidents chez les seniors se déroulent dans ce type de situation).

 Accidents de la route des seniors : statistiques

Accidents de la route chez les seniors : statistiques européennes  

Les personnes âgées représentent 22%des morts sur la route au niveau de Europe, selon les Statistiques européennes à propos des accidents de la route chez les seniors
Les seniors sembleraient moins dangereux pour les autres mais il n’y a pas de consensus sur ce point. Mais les seniors sont plus fragiles, donc plus sérieusement blessés en cas d’accident.

Dans les statistiques européennes un conducteur âgé est un conducteur de plus de 75 ans.
Ces statistiques européennes montrent qu’il y a plus de risque d’être tué dans un accident de la route quand on est âgé par rapport à une personne âgée de 45 à 64 ans.
Les taux de décès par million d’habitant varient beaucoup d’un pays à l’autre
Les 2/3 des décès par accidents de la route chez les seniors sont des hommes
Ce sont les 75-85 ans qui ont plus de risque d’être tués dans un accident de la route que les autres tranches d’âges de séniors
Le tiers des décès surviennent chez des piétons.
80% des décès de personnes séniors sur la route surviennent entre 8H et 20H
Le nombre de personnes séniors tuées par jours dans des accidents de la route est plus élevé entre le lundi et le vendredi que les samedis et dimanches alors que les 45-65 ans le nombre de décès par jour d’accident de la route est plus important les week-ends.
Plus de décès par accident de la route les mois d’hiver.

Le risque de décès sur la route d’un conducteur âgé ( plus de 75 ans au sens des statistiques européennes) résulte de 2 facteurs :
Plus grande vulnérabilité et diminution des capacités fonctionnelles
L’accident type, le plus souvent en cause, c’est tourner à une intersection

Evolution du nombre de tués sur la route depuis 2001 au niveau européen

Comment améliorer la sécurité routière chez les seniors ?

Eduquer et former
Des cours de remise à niveau des connaissances peuvent être envisagés pour les conducteurs  âgés, car la législation change. Les seniors apprécient beaucoup les cours de remise à niveau pour le code ( bien que ces lacunes ne sont pas vraiment en cause dans les accident.
Cours de remise à niveau pour seniors

OSCAR : sensibiliser les aînés aux capacités requises et aux stratégies compensatoires pour une conduite automobile sécuritaire et responsable.

 Entraînement cognitif
Des jeux vidéos aident à restaurer la capacité des conducteurs âgés à effectuer plusieurs tâches en même temps ( lors de la conduite, il faut souvent effectuer une double tâche

Association Brain up
Cette association propose de stimuler les fonctions cognitives, grâce à un programme sérénité au volant qui aborde différents thèmes pour sensibiliser les personnes de plus de 75 ans : savoir gérer une situation de stress au volant ( utiliser un rond-point, tourner à gauche), la prise de médicaments et la conduite, comment entraîner ses capacités physiques pour une meilleure conduite, etc
Les seniors pensent que pour conduire il faut de bonnes connaissances alors qu’il faut surtout de bonnes capacités. Ces programmes sont organisés localement avec le concours des collectivités locales qui les financent en partie.

Système d’assistance à la conduite.
Les systèmes avancés d’aide à la conduite peuvent aider les conducteurs âges et réduire les victimes parmi les usagers. Ces systèmes sont déjà disponibles dans certains modèles de voitures, il faut promouvoir leur déploiement.

Projet ADVISORS : Action for advanced Driver assistance and Vehicle control systems Implementation, Standardisation, Optimum use of the Road network and Safety

Projet Safemove : aider les conducteurs seniors à maintenir leur mobilité par l’utilisation d’aides  à la conduite.

Amélioration des infrastructures

Les normes pour l’éclairage des routes date des années 40, elles mériteraient d’être actualisées…
Par ailleurs, les villes dans un souci d’économie suppriment l’éclairage sur de nombreux axes routiers,  sans se soucier des seniors qui sont gênés pour conduire lorsque l’éclairage est insuffisant…

Sécurité des véhicules

Suivi médical
Aucun examen n’est exigé actuellement en France pour les conducteurs au delà d’un certain âge. Les médecins traitants peuvent néanmoins proposer des tests auditifs, visuels, etc Les conducteurs seniors ne se rendent pas toujours compte qu’ils sont porteurs de cataracte alors qu’après traitement de sa cataracte, l’usager peut parfois retrouver sa vision sans correction.

Au Danemark, on a instauré un dépistage obligatoire des troubles cognitifs et retiré de la route tous ceux qui n’avaient pas un bon résultat au test d’évaluation des fonctions cognitives : MMSE. Non seulement il n’y a pas de diminution du nombre d’accidents de la route mais une augmentation des accidents de la route avec les piétons.

Au Quebec, le code de sécurité routière prévoit un  examen à 75 ans, puis à 80 ans puis tous les 2 ans. Le médecin ne statue pas sur la capacité à conduire mais liste les risques du patient pour la conduite et c’est SAAQ,  Société de l’assurance automobile du Quebec qui statue  ( éventuellement après avoir réalisé des examens complémentaires,  un test de conduite sur route, etc).

Faut-il instaurer une visite médicale pour les conducteurs à partir de 75 ans ?

Il n’existe aucune obligation au niveau européen, chaque pays est libre d’instaurer un contrôle médical ou non à partir d’un certain âge.
Il s’avère difficile d’évaluer les performances de conduite : en tout cas c’est une approche pluridisciplinaire qu’il faudrait envisager et non une simple visite médicale. le CARA,  en Belgique, est un exemple à suivre puisque les évaluations de l’aptitude à la conduite sont pluridisciplinaires.

Des tests sont disponibles pour évaluer les performances de conduite

Pour évaluer les performances de conduite d’un conducteur senior, il est préférable de se focaliser sur ses capacités et ses compétences  plutôt que sur son âge, sur ses points forts et non sur ses points faibles : un senior tend à prendre moins de risques qu’un conducteur plus jeune. Le meilleur test pour évaluer la conduite d’un senior se fait sur la route…

La conduite est une activité fondamentale pour les seniors.
Une personne âgée qui ne se déplace plus en voiture est alors piéton ou cycliste et devient plus vulnérable, les statistiques des accidents le prouvent.

Il faudrait parvenir à identifier les conducteurs en sur risque, ceux qui présentent un déficit cognitif qui altère la capacité de conduire, par exemple, mais cela ne peut pas se faire par le biais d’une simple visite médicale, il faut un examen par une équipe pluridisciplinaire, avec des outils adaptés pour évaluer les fonctions cognitives chez les seniors, des tests sur route, etc

Angleterre : Forum of Mobility Center

Cessons  de stigmatiser  les seniors sur la route, avec le mythe des seniors dangereux. Les conducteurs âgés de plus de 65 ans sont moins dangereux pour les autres que les plus jeunes. Lorsque l’on demande à une personne âgée de ne plus conduire, elle se déplace alors davantage à pied ou à vélo : on ne fait que déplacer le problème, puisqu’elle se trouve beaucoup plus vulnérable à pied ou à vélo que dans sa voiture. C’est ainsi qu’au-delà de 75 ans, on observe davantage d’accidents chez les personnes âgées mais ce sont surtout des cyclistes et piétons âgés qui sont impliqués dans ces accidents…
Le vrai défi consistera, dans les années à venir, à maintenir les conducteurs âgés sur la route, conduire est synonyme d’autonomie et de vie sociale.  Cesser de conduire est un indicateur négatif d’un vieillissement réussi

Il n’existe pas de consensus pour évaluer les performances de conduite : il faudrait parvenir à détecter précocement le déclin cognitif ( sensibiliser les médecins traitants au dépistage de ce déclin), identifier les patients en sur-risque, etc

Dans certains cas, il serait préférable de pouvoir de limiter la conduite plutôt que de l’interdire totalement. Mais en France il n’est pas possible de moduler la conduite grâce aux mentions 05 qui pourraient figurer sur le permis de conduire ( nous disposons bien de certaines mentions restrictives qui peuvent figurer sur le permis de conduire mais une partie de la directive européenne n’a pas toujours pas été transposée en France, alors que ces mentions restrictives 05 pourraient permettre de limiter la conduite à la conduite le jour, ou dans un périmètre de tant  kilomètres aux environs du domiciles, etc ( comme cela se pratique dans de nombreux états européens).

Imposer des visites médicales aux conducteurs seniors n’a de sens que si l’on inspire des approches pluridisciplinaires réalisées dans d’autres pays. Les programmes d’évaluation par tiers qui comportent entre autre un test sur route s’avèrent très efficaces pour évaluer réellement les performances de conduite.
La moitie  des accidents est  provoqués par les 18-24 ans, or actuellement personne ne songe à imposer une visite médicale aux jeunes conducteurs…

Vous pouvez lire également les articles suivants :

 


Quitter la version mobile